1.06.2012

« une centrale nucléaire est comme un appartement de luxe qui ne possède pas de toilette »

Par ISHIHARA Hideko

Bonjour à toutes et tous

J’étais au Japon pendant 6 mois pour me soigner et nous avons eu un grand séisme au mois de mars. C’était le séisme qui arrive tous les milles ans. En fait il s'agissait de 2 séismes d’une puissance de magnitude 9, le nord du Japon s’est déplacé de 5m et 20cm et Tokyo à 600 km plus au sud de l’épicentre, s’est déplacé de 20cm. Par conséquent, il fallait refaire toute la topographie du Japon.
Toutes les villes côtières sur 500 km ont été dévastées par le Tsunami. Il y a eu 20.000 morts et disparus, 200 enfants sont devenus orphelins, 80.000 personnes sont sinistrées, et 60.000 personnes sont devenues des réfugiées de la radioactivité. Au moment de la secousse, j’ai vu le paysage autour de moi qui semblait se tordre, je ne pouvais pas rester debout à cause du mouvement de la terre sous mes pieds.
Des centaines de tuiles de la maison sont tombées, des murs se sont fissurés. Depuis, la terre ne s’arrête plus de trembler, nous avons eu des dizaines de tremblements de terre tous les jours. Ma mère et moi avons préparé des sacs à doc contenant de l’eau, des médicaments, des aliments secs et quelques vêtements nécessaires pour la survie. Nous avons dormi avec nos vêtements de la journée pendant une semaine pour pouvoir partir de la maison en cas de grosse secousse. J’ai eu la peur de ma vie mais ma mère qui a connu la deuxième guère mondiale m’a dit que ce n’était rien par rapport au temps de la guerre.
J’ai pensé aux gens qui devaient vivre dans des conditions inimaginables même encore à notre temps. Nous avons eu 4 heures de coupure d’électricité par jour pendant 1 mois. Tout s’arrêtait, le train, même les feus. Nous ne pouvions rien faire pendant ce temps-là. Je me suis rendue compte à quel point nous étions dépendants de l’énergie.

Le lendemain du séisme du millénaire, le réacteur No.1 de la centrale nucléaire de Fukushima a explosé et 3 jours après, le réacteur No.3 a explosé également et un incendie s’est déclaré dans le réacteur No.4. L’explosion du réacteur No.1 a été causé par une accumulation d’hydrogène, alors que le gouvernement japonais et TEPCO (Tokyo Electric Power Co.) ne le précisent pas, l’explosion de réacteur No.3 était probablement une explosion nucléaire. Le réacteur No.3 utilisait le MOX français comme combustible. Ces 2 explosions ont rejeté de la radioactivité : 168 fois plus que l’explosion d’Hiroshima. Les quatre réacteurs de Fukushima ont une puissance nucléaire qui est supérieure à 4000 fois la bombe d’Hiroshima.

Alors qu’en France on ne parle plus du Japon après le Tsunami, le calvaire continu, la terre tremble toujours même si cela est moins fort, et nous avons un gros problème de contamination par la radioactivité.

Pour reconstruire les villes, il faut d’abord débarrasser les débris. Il y a des débris pour 100 années si chaque ville sinistrée doit les gérer toute seule. Généralement, toutes les villes du Japon aident à gérer ces débris mais cette fois-ci, ils sont radioactifs. Personne ne veut accueillir ces déchets. Nous ne savons pas où nous pouvons stocker les déchets afin de reconstruire les villes.

Quand j’ai entendu la première explosion de Fukushima, je ne pouvais pas comprendre ce que cela voulait dire réellement. Ce jour-là, j’étais restée longtemps dehors pour ramasser les centaines de tuiles qui étaient tombées la veille. Ma région natale, malgré qu’elle soit située à 200 km de distance de la centrale de Fukushima, est très contaminée, c’est l’endroit le plus contaminé parmi les autres départements après Fukushima. La contamination dépendait du vent et de la pluie. Heureusement, la ville où je vis n’est pas si contaminée mais la zone agricole du département l’est presque entièrement.

Cela devient très compliqué pour la vie quotidienne. Chaque fois que je faisais des courses, il fallait chercher les produits les moins contaminés. C’était quasiment impossible. Tout ce que j’ai trouvé au marché, était contaminé, car dans la région de Tokyo, nous ne trouvons que des produits de la région pour raison écologique « des produits de la région, consommés dans la région », nous ne pouvons donc pas avoir de produits dont l’origine est éloignée de Fukushima. Choisir des poissons était un vrai casse tête, les poissons se déplacent, finalement, j’ai souvent acheté des poissons congelés de Norvège. Quant à la viande, j’ai choisi la viande des Etats-Unis hormonée et reçu plein d’antibiotiques plutôt que la viande japonaise connue sous le nom de « Wagyû ».

Auparavant, je faisais attention aux insecticides, aux antibiotiques et même au bisphénol A. J’essayais d’acheter des produits biologiques quand je le pouvais. Aujourd’hui tous ces efforts me paraissaient vains : Ces produits chimiques sont mieux que la radioactivité ! Quel est ce monde où nous devons vivre ?! J’ai pleuré presque tous les jours. Chaque jour, chaque fois que j’ai mangé, j’ai pensé : Combien de becquerel/kg de radioactivités j’ai mangé ? Combien de mSievert/h de radiations j’ai reçu aujourd’hui ? Pendant 6 mois, combien j’ai eu de radioactivité externe et interne ? Est-ce dangereux pour la santé ? Ce vocabulaire qui n’était pas du tout familier est rentré d’un seul coup dans le langage courant. Nous avons maintenant la météo de la radioactivité à la télévision. C’est comme un film de science-fiction, nous aurons bientôt des hommes mutants comme X-Mens ?

Certes, nous n’avons pas la guerre civile ni la famine, ce n’est pas une question de vie ou de mort immédiate.

Mais nous sommes obligés de vivre dans l’incertitude.
Y aura-t-il un grand séisme dans la région de Tokyo cette fois-ci, quand ?
Y aura-t-il encore une explosion à la centrale de Fukushima ?
Combien de gens auront-t-ils un cancer dans 10 ans ?

Combien de gens vont se suicider encore ? Les agriculteurs, Les éleveurs, Les pécheurs, et d’autres professionnels ont tout perdu, à cause de la radioactivité qui dure ils ne peuvent pas avoir d’espoir. Combien de temps devront-ils attendre pour pouvoir cultiver à nouveau leurs champs, pêcher ou faire la culture des algues ou des crustacés aux environs de la centrale de Fukushima ? Le Césium 137 est fortement radioactif pendant 30 ans, le Plutonium 239 environ 24.300 ans !! Ces éléments radioactifs n’existent pas naturellement sur terre, ils sont produits par la fission, entre autres, de l’Uranium 235.

J’ai enfin conscience qu’au bout d’une prise d’électricité, nous avons la centrale nucléaire. Surtout en France, 75% de la production d’électricité vient du nucléaire. Les travailleurs des mines d’uranium et de centrales nucléaire dans le monde entier, la plus part anonymes et inconnus, sont irradiés pour notre confort. Et ceux qui travaillent actuellement dans la centrale de Fukushima sont hautement irradiés, ils risquent leur vie pour notre tranquillité.

Aujourd’hui je peux comprendre cette expression : « une centrale nucléaire est comme un appartement de luxe qui ne possède pas de toilette ». Même s’il n’y a pas d’accident comme à Fukushima, la centrale nucléaire a le problème de ses déchets hautement toxiques. J’avais fermé les yeux vis-à-vis des problèmes des déchets irradiés qui se cachent derrière l’immense machine à produire « le busines nucléaire » tantôt utilisé comme technologie pour la fabrication de la bombe atomique, tantôt pour profiter de ce « super commerce » qui ramène des lingots dans le pays. Les Japonais doivent peut être payer pour leur silence mais pas leurs enfants, ce ne sont pas eux qui ont choisi les hommes politiques qui nous gouvernent, mais ce sont eux qui sont les plus vulnérables face à ce problème, il faut les protéger mais comment ? Les enfants de Fukushima portent désormais un mini compteur Geiger pour mesurer tous les jours combien de mSievert/h de radiations ils reçoivent. Désormais, 58% des enfants de Fukushima ont de l’iode radioactive dans leur tyroïde qui va peut être se transformer en cancer de la tyroïde dans quelques temps. Ils ne peuvent plus jouer dans la cour de récréation ni courir dehors.

Cette année, était une année d’immense chagrin comme je n’en avais jamais connu dans ma vie. Quand j’ai perdu mon frère, mon père et ma tante qui était comme ma mère, je n’ai pas eu ce sentiment de désespoir. Car les être vivants sur la terre doivent mourir tôt ou tard, c’est quelque chose de naturel et avec le temps ce chagrin s’attenue petit à petit. Mais l’accident de Fukushima n’est pas naturel, c’est un accident irréparable causé par des hommes. Et ces hommes ne possèdent même pas encore la technologie pour décontaminer les radiations et stopper des réacteurs accidentés. Nous avons constaté récemment une réaction de fission spontanée sur le réacteur No.2 et le réacteur No.3 contient le MOX français constitué de plutonium trop puissant et trop difficile à manipuler pour les hommes d’aujourd’hui. L’accident de la centrale de Fukushima est le premier accident avec du MOX. Les cœurs des réacteurs No.1, 2, 3 de la centrale de Fukushima sont entrés en fusion, et le magma formé par la fusion aurait traversé la zone de confinement. Personne ne connait le vrai état de ces réacteurs. Personne ne sait sur terre comment calmer ces réacteurs en colère. Récemment, nous avons mesuré 1600 milli Sievert/h dans le réacteur No3. Cela veut dire qu’un homme bien protégé ne peut rester que 3 minutes. Qu’est ce qu’on peut faire en 3 minutes ? Je ne verrai sans doute pas le démantèlement de la centrale de Fukushima ni Lucie, ma fille de 13 ans, non plus, je le pense.

« A mes yeux, Fukushima est comme un champ de bataille, même si on ne peut pas voir les radiations. C'est un champ de bataille entre ceux qui ont la folie de penser qu’ils peuvent dominer la nature et ceux qui la chérissent. C'est un champ de bataille où la puissance de l'Etat a volé l'avenir de nos enfants. Nous ne pouvons sauver nos enfants en mettant la priorité sur la rentabilité économique. »

Je pose mon stylo en souhaitant que Hiroshima et Nagasaki seront les dernières villes dévastées par la bombe atomique et que l’accident de Fukushima sera le dernier accident d’une centrale nucléaire dans l’histoire des hommes.

A lire et regarder :

• Les dossiers du Canard enchainé : Nucléaire C’est par où la sortie ? Le grand débat après Fukushima
• Paroles de mère en temps de crise nucléaire…
Publié le 23 novembre 2011 dans le blog de monde par Philippe Mesmer
• Pour le nucléaire, il n’y a jamais de responsables, trop d’intérêts sont mêlés
Article du Monde paru dans l’édition du 8 décembre 2011
• Un œuvre d’un artiste japonais sur des essais nucléaires
Des chercheurs disent que l’augmentation des cancers ces derniers temps serait lié à la présence du Plutonium sur la terre à cause des essais nucléaires.
• Un article sur la contamination de la radioactivité dans la mer


J’ai lu un rapport du Ministère de la Santé japonais qui fait état de la découverte de radiations de césium 137 (500 becquerel/kg) dans un pot de confiture de Myrtille Bio française importé au Japon en 2009. Il s’agissait d’une confiture fabriqué en France mais la myrtille a été importée en France par le Pologne ou la Suède. Les effets de l’accident de Tchernobyl pouvaient se ressentir 23 ans plus tard en 2009. Cela nous montre que même en France, nous mangeons sans doute sans le savoir des substances radioactives. A propos des limites règlementaires le taux admis de radiation de césium 137 en Ukraine est de 40 becquerel/kg et de 100 becquerel/kg en Biélorussie, l’association allemande de défense contre la radioactivité estime qu’il faudrait passer ces taux à 8 becquerel/kg pour les adultes et 4 becquerel/kg pour les enfants.






11.09.2010

diana°









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Morceaux choisis

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LEG- Odyssé extrait du chant 14.

CECI EST LA FIN.